à la fin de l’été, 
nous prenons 
le même chemin 
bruni par les petites 
pommes sauvages 
fermentées au soleil 
(on hume leur odeur 
aigre-douce)
et nous voilà 
surpris par le vol 
en zigzag des libellules,
chasseurs habiles du soir,
alors qu'elles s’élancent 
dans une bravoure 
précise et sanglante
---
at the end of the summer
we take the same path
browned by the small 
crab apples 
fermented in the sun 
(we inhale their 
sour-sweet odor)
and here we are 
surprised by the flight
in zigzag of the dragonflies,
skilful hunters in the evening,
as they rush in precise
and bloody bravery
 
 
 
            
        
          
        
          
        
elle titube 
sans cesse
dans le malentendu 
des phrases sans sujet
ou prédicat 
et puis, d’un coup,
le reste vient 
tout seul 
déduit de quelques
morceaux de puzzle, 
(créés l’un pour l’autre) 
une lettre ouverte,
en connivence parfaite
avec la nudité 
immodérée 
des tubéreuses
---
she constantly staggers
in the confusion 
of sentences 
without subject 
or predicate
and then, all of a sudden, 
the rest comes by itself
drawn from 
a few pieces of the puzzle, 
(made for one another)
an open letter, 
in perfect connivance 
with the intemperate nudity
of tuberoses 
 
 
 
            
        
          
        
          
        
par où commencer 
cet autoportrait 
calqué sur le désir 
de permuter 
les paroles ?
(laisse tout
pour demain)
ce soir, on monte 
au plus haut point 
de la colline 
pour regarder 
le contour flou 
de la ville ensevelie 
de chaleur, 
avec ses grands bus 
articulés et ses yeux 
multicolores
---
where do you start 
this self-portrait 
modeled after the desire
to rearrange words?
(leave everything 
for tomorrow)
tonight, we climb 
to the highest point 
of the hill to watch 
the blurred outline 
of the city buried 
in heat, 
with its large 
articulated buses 
and multicolored eyes
 
 
 
            
        
          
        
          
        
chaque jour
je te trouve au bord
de ces pages
sans poids,
sur une île
baptisée d'après 
de nombreux météorites
(matière morte,
quasiment égoïste
qui nous serre
le cœur)
personne n’est plus grand
que ses propres mots
—
every day
I find you at the edge
of these weightless
pages,
on an island named
after many meteorites
(dead matter,
quite selfish
that grips our hearts)
no one is bigger
than their own words
 
 
 
            
        
          
        
          
        
l’été avance 
comme une araignée 
d’eau qui arpente 
la surface opaque 
de l’étang,
dans le bruissement 
des plantes 
ombellifères 
prises 
par la brusque 
froideur d’un nuage 
qui passe 
devant le soleil