Monday 28 December 2020

quand

quand avons-nous
commencé
à placer nos
propres limites
dans l’aspiration
d'un avant-mot
et à sentir l’usure
des larmes
aigue-marines ?

quand avons-nous
commencé
à discerner
méticuleusement
la sourde énumération
de l’alphabet
de l’âme ?




Thursday 24 December 2020

Ulysse

...et toutes ces années
pour oublier
le son distordu
des vagues
et décanter
ce désir lapidaire
dans les yeux
des Sirènes

tu pourras
ensuite défaire
la grave exactitude
des causes et
des effets
et retrouver les mots
qui collent au refuge
des îles



Sunday 20 December 2020

tôt ou tard

fin de décembre,
les vitrines se reflètent
en mille fragments brillants
dans la neige salie
par les passants
pressés

tôt ou tard,
nous ne ferons plus
attention à la maladie
des sentiments
(remplis d’une joie
nouvelle)
on respire l’air
froid et humide,
en remontant
la même rue
en pente douce





Saturday 12 December 2020

décembre

il suffirait
d'un battement d'aile
pour gommer
l’odeur accueillante 
de la pluie

décembre
se précipite
chaque année
(calme dénouement)
jusqu’à ce que
tu ne puisses plus
supporter la présence
frugale du bonheur





les ombres de la lune

envoie-moi
des lettres
sans adresse
(de petits bateaux
qui s’envolent
dans un clapotis
de marée haute)

ils traverseront
patiemment
les fuseaux horaires
en s’accrochant
aux ombres calcinées
de la lune



Friday 11 December 2020

la mémoire de la neige

(sans aucune
arrière-pensée)
je m’attache
à la parole
rejetée,
pauvre relique
des histoires
qui se nichent
comme les empreintes
de nos pas
dans la mémoire
de la neige




Saturday 5 December 2020

amaryllis

amaryllis rouge
dans la fenêtre
(dieux jaloux
de nos vêtements
souriants)
tu viens
libre de toute 
lassitude,
nos histoires
nourriront
les retrouvailles
d’un printemps
utopique



Monday 30 November 2020

pacte de silence

sans que personne 
ne le sache
on signe un pacte
de silence
(coincés entre
l’écorce des arbres)
comme de grandes pendules
sonores, des balançoires
pour les oiseaux
querelleurs



étourderie hivernale

on se prend
maintes fois
pour ces belles créatures
en formation guerrière
dans la masse des nuages
le vent les disperse
en haillons blancs
de passage



Wednesday 25 November 2020

les couvertures de la neige

il n'y a rien pour se défendre
contre la stupeur fulgurante
de l'hiver

les feuilles s'endorment
maintenant,
tout recroquevillées
sous les couvertures
transparentes
de la neige





Saturday 21 November 2020

fin de novembre

le froid
ne tardera pas,
bientôt on va abjurer
tout ce qu’on sait déjà
pour laisser place
aux couches
des feuilles apatrides
et à la désolation
ésotérique de la neige



Tuesday 17 November 2020

hors-saison

novembre,
avec ses pluies
désemparées
et l’odeur du
pain chaud
à chaque coin
brisé de rue

sur le macadam,
reverdie hors-saison,
une tapisserie
d’aiguilles de pins
amortit
le bruit de nos pas



Sunday 15 November 2020

le temps de le dire

elle se porte
encore bien,
la feuille en robe
de juliette dormante

le temps de le dire,
elle s'est rétrécie
dans une étoile



Saturday 7 November 2020

le vent d’été

un vent clément
d’été s’attarde
en novembre,
il balaie les nids
vides
des oiseaux

une insurrection
des feuilles par terre
qui portent toujours
le soleil
dans leur dos



Thursday 5 November 2020

la première neige

neige au début
de novembre,
les feuilles
flottent encore comme
de petits oiseaux légers



early November
snow,
leaves
still float like small
weightless birds



Saturday 31 October 2020

fin d'octobre

d’un seul coup,
il n’y a plus de règles
que la ponctuation
sautillante du vent
et la forêt
dans l’ouvert
décortiquée
en paillettes
luminescentes



Tuesday 27 October 2020

tout commence

tout commence
dans la longue
et stoïque attente
hivernale

(tout ira bien)
par bonheur, on garde
notre sang-froid,
malgré le chaos
des brumes qui précèdent
les pirouettes murmurantes
des feuilles



Sunday 18 October 2020

au pays du nord

au pays du nord,
la lune
tâtonne la nuit
avec ses dents
de froid
prête a mordre,
comme un grand
papier buvard
maculé de l'encre
brillante



Saturday 17 October 2020

les fanfares de l'aube

prête-moi
la légèreté
des feuilles
qui font la roue
autour du soleil

aux fanfares
de l’aube, 
chaque chute
est une histoire
d’un astre
migrateur



Sunday 11 October 2020

l'or des nomades

un dernier bercement
trahi par le vent

la rivière reçoit
une forêt entière
trempée dans l’or
des nomades



Friday 9 October 2020

juste hier

il n’y a pas
de retour
en arrière
le vent menace
la forêt
et traverse
la tranquillité
des couleurs
juste hier,
le vert et le jaune
coexistaient encore
nous sommes prêts
pour le requiem
de l’automne





Thursday 1 October 2020

l'arbre reste

le soleil est descendu
dans les nervures
des feuilles

l'arbre reste
avec le désir incorrigible
de démentir leur chute,
quintessence
de silence empilé
à nos pieds



Saturday 26 September 2020

les Sirènes

je n’écris que pour
l’incantation syllabique
des Sirènes

comme la mer
(sans le moindre
effort)
son corps
nourrit les falaises

je n’écris que pour
la symbiose
entre les mots
et les rêves



Tuesday 22 September 2020

il reste l'arbre

tout est joué
d’avance
pour les feuilles
qui tombent
pêle-mêle
en couches
de silence
il reste l’arbre
vermoulu d’espoir
dans sa verticalité
ingrate





Sunday 20 September 2020

plus que jamais

plus que jamais
son cœur battait
en tandem
avec les ailes
des oies sauvages

elles survolent
les joncs
pas encore décidées
d’y rester
pour l’hiver



Friday 11 September 2020

le poème

le poème n'est pas fait
pour être lu
il est fait pour être
pris par la main
cette nouvelle syntaxe
s'envole
comme les oiseaux
qui ne peuvent plus cacher
leurs chansons
dans les arbres nus
de l'automne

---

the poem is not made
to be read
it is made to be
taken by the hand
this new syntax
takes off
like the birds
that cannot hide
their songs
in the bare trees
of autumn



Wednesday 9 September 2020

cet automne

il n'y a pas de pommes
dans le jardin
cet automne,
leur parfum restera
encapsulé dans
les premières boules
de neige





Tuesday 8 September 2020

first day of autumn

first day of autumn,
we'll hibernate
under white, soft covers
our second home



Monday 7 September 2020

le vieux pêcheur

le vieux pêcheur
de feuilles,
extasié devant
la lune criarde
(ses doigts peignent
les branches dénudées
de l'automne)

le vieux pêcheur
de feuilles,
minces
corps volants
mélangés
à la tristesse
indiscernable
des oiseaux indécis



Friday 4 September 2020

ma maison

ma maison
est dans les mots
creux et
dans l’aller-retour
des ombres
difformes

tiens,
il fait déjà noir
une lampe
à moitié allumée
pour éclaircir
les vases communicants
de nos rêves



Monday 31 August 2020

septembre

c’est la morsure
dans la chair
des mots
qui annule le vide,
les vieux murs

j’aime l’odeur
de l’humus sous
les feuillages
de septembre et
ton regard nomade

(le vent souffle
toujours de l’ouest)
tes doigts griffonnent
le parcours anonyme
des nuages



Saturday 29 August 2020

la faiblesse de la feuille

jasmin de nuit
éclaté
dans la proximité
de la parole

un dernier spectacle
pour la faiblesse
de la feuille
qui s’oppose
obstinément
et s’amincit
jusqu’à l’ombre



in statu nascendi

mais qui cherche encore
le jeu indicible, intact
dans l’air du matin ?

mon complice à cet oubli léger
je te trouve et te perds
dans le carrousel
insoupçonné
de l'été



Thursday 27 August 2020

la girouette

le midi s’émiette
dans la fleur
voisine
et la couleur vierge
des épices
(sur le toit
le vent s'amuse
à tourner une girouette
docile)

sommes-nous prêts
à accueillir
le sommeil et la magie
larmoyante
de l'automne ?





Sunday 23 August 2020

the grasshopper

a step astray
from the path
in the tall grass,
the grasshopper is gone
... a sudden butterfly


Friday 21 August 2020

tarde sin viento

tarde sin viento,
la ciudad se abre
en la pureza
oculta
de l'oscuridad


une fois encore

je ne pense
pas trop
à ce monde
d'emprunt
qui se vide
dans l’intimité
serrée
des miroirs

mais une fois
encore,
nos chemins
clos,
identiques
nous mènent vers
un seul point de fuite


Sunday 16 August 2020

on n’a pas le temps

non, on n’a pas
le temps
de se disputer
pour trouver le centre
de nos rêves
dépareillés

mes mots troués,
emmurés
dans la bonté
des signes, 
tes paroles légères
comme les robes
des anges



Monday 10 August 2020

les choses futures

bien sûr,
ça serait plus facile 
de prendre
le raccourci
de l’absolu
que de marcher
sur le fil tendu
des choses futures

nous nous
attachons
au fond de l’œil
du désert
pour apaiser
la rancune
des heures
vides, linéaires


Sunday 9 August 2020

月 - tsuki

il y a surtout
cette lumière bleue
qui les rend verticales
(les feuilles ne font que passer
dans cet espace
interstitiel)

plus tard,
elles amèneront
la lune
dans leur barque



Wednesday 5 August 2020

夏 - natsu

fin de l’été,
le vent décoiffe
les tourbillons
des fontaines



Saturday 1 August 2020

鳥 - tori

je voudrais
m’en aller avec toi,
occuper
les hauteurs
des oiseaux
qui se laissent
porter par le vent

est-ce que
être est
comprendre ?

ton regard
contrarié
assombrit
et tourne la mer
d’une couleur
indigo



Saturday 25 July 2020

soir de juillet

chaque soir,
il y a une invasion
des battements
des ailes
ponctuelles
qui cherchent
les coupoles vertes
et la douce clavicule
des arbres
loin de l’odeur
de terre brûlée
par les feux
sauvages de juillet


Saturday 18 July 2020

les mots en argile

ils vont de concert,
les mots en argile
craquelée
et les fleurs
d'un seul jour

d'un air absent,
ils sont plus patients
que les astres
clignotants
qui persévèrent
dans les lacunes
célestes
de la nuit



Thursday 16 July 2020

les yeux de la nuit

nous avons
glissé
nos maigres amours
sous la porte,
au-delà des yeux
condescendants
de la nuit



Saturday 11 July 2020

le train

étrangers
l’un à l’autre
on prend un train
sans horaire précis
(les herbes folles
ont poussé
entre les rails)
ne lâche pas
la main !
voleur
des distances


la poussière stellaire

tout est
à sa place
dans le ravissement
de l’espace
même le vent qui lève
la poussière stellaire
et trouble la paix
des lunes exilées
dans l’écoulement
sage et rectiligne
de la nuit


Thursday 9 July 2020

nuit de juillet

lune tronquée
avant l'orage,
les éclaires
déchirent
la nuit haletante,
lourde de chaleur

au point du jour,
sur l'autre versant
de la montagne
la pluie a laissé
une trace de fraîcheur
provisoire


Monday 6 July 2020

la carte de nuages

allongés par terre
sous la grande
lucarne,
chaque mot
façonné par
la complicité
séduisante
de cette pluie
oblique
qui se moque
de nous
avec ses mille
cartes de nuages