la distance se frotte les yeux (je ne veux rien savoir de toi) temple dénudé, greffé sur cet ensemble fini des règles j'ai mon jardin d'hiver et la fraîcheur illimitée des racines
cette nuit, il neige (comme à la naissance des étoiles) des flocons lourds et rares qui tombent à la cadence des années-lumière au matin, la ville sera un chaos de cristaux épurés
la ville s’adoucit dans la fine opacité de la neige (demi-lunes en symbiose étanche) notre mémoire reste attachée à la lumière insomniaque des murailles
au début c’était l’idée de l’amour je t'ai rhabillé soigneusement avec le souffle berçant du vent qui ranime le linge blanc transparent certains jours, l'ici est une ébauche intraduisible d'un ailleurs nébuleux exaltant
on s’approche de la neige délesté de tout théorème d’aller-retour (come gli angeli della Sapienza) douce annihilation dans ce maelström intransigeant informe
sous le diaphragme du ciel, le jardinier ambulant des nuages
absorbée par la neige qui tarde de tomber, je ressens l’implosion oblique du paysage (ne pars pas sans moi) avec ses pattes allègres, une araignée tâtonne la lumière de janvier en filigrane
on y est, ébahis par le sanctuaire distant du crépuscule les ramures s’esquivent à la texture improbable des collines
une étoile de mer (amulette solitaire) ton contour fragile toujours renouvelé dans l'eau salée des miroirs
je me suis enivrée de toi, cerf-volant en grands cercles concentriques qui s’étendent comme les ailes du brouillard
tu vois le poème, cette chute qui habite la cendre féconde de la lune de temps en temps nous côtoyons la terre ferme, corollaire du chemin de silence
infime promesse dissociée des hiéroglyphes austères de givre l’hiver (sans borne) se bouscule ostensiblement dans le paysage épuré par l’ardente fragilité de la neige